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Moulin à vent, Forbach PREV NEXT

Item no.44 Ajouté le Lundi 11 octobre 2010 à 00:26 par David

64l

Moulin à vent   Zoom

Groupe : Bâti/Industriel
District : Pamplemousse/
Coordonnées : lon. 57.6309 / lat. -20.0627
Période : entre 1818 et 1862
Créé par :
Type propriétaire : Privé
Etat :
Menace : Vegetation - banyan
Présentation :
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE L'ILE MAURICE
FORBACH VESTIGES D'UN MOULIN A VENT
France STAUB

12 NOVEMBRE 1994

Après la prise de l'île, les Britanniques montrèrent beaucoup d'indulgence envers les étrangers et les immigrants français, ennemis d'hier, en leur permettant de s'installer à l'île Maurice pour la développer. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Selon Alfred North-Coombes, il y avait 9000 arpents sous culture de cannes en 1810, en 1830, vingt ans plus tard, on pouvait en compter 51,000.

Ceux qui repartaient, fortune faite, laissaient quand même le fruit de leur travail ajouté à la terre, et souvent, des constructions à valeur historique. Le cas de la famille Staub, installée dans le Nord, puis repartie pour France, soixante-dix ans plus tard, en est un exemple typique. Elle laissait à Forbach ce moulin à vent, une cheminée de sucrerie à Schoenfeld et une église à Poudre d'Or.

Ce moulin à cannes dont vous voyez les vestiges, mû par le vent, fut construit en 1818 par Joseph Staub. Il fonctionna activement pendant 34 années et fut la source des moyens de sa famille. Dans son ouvrage sur les Domaines Sucriers, Guy Rouillard, fait voir l'état de la tour après 52 ans. On pouvait encore y distinguer au sommet, face à l'Est, les supports métalliques des quatre ailes et à l'autre bout, le volant stabilisateur. L'énergie de rotation était transmise par engrenage à un axe vertical, qui descendait actionner à la base de la tour la pièce centrale d'un moulin à trois cylindres verticaux. Le jus exprimé des cannes ou frangourin, était conduit à une cuiterie annexe, maintenant disparue, semblable à celle que nous visitâmes à Pamplemousses. Ce bâtiment, souvent couvert de chaume, contenait un jeu de cuves où le jus se transvasait en série. Ces cuves avaient des noms pittoresques selon leur fonction : "La Grande", puis "La Propre" était suivies par "Le Flambeau", "Le Sirop" et enfin "La Cuite".
Agité à l'aide de grands écumoirs et réchauffé en brûlant la fibre de canne écrasée, le liquide finissait par atteindre une viscosité propice à la cristallisation. Versé alors dans des moules coniques et percés, le magma s'égouttait en se tassant. Renversé sur des tables au soleil, il finissait par sécher et le sucre grossier et brun résultant, était enfin ficelé dans des sacs de vacoas.
Je vous ai apporté le dessin d'un moulin à vent des Antilles en plein travail à la même époque.
La cheminée et les bâtiments que vous pouvez voir à côté, sont les vestiges d'une sucrerie à vapeur, construite par les acquéreurs de Forbach en 1842 : MM. Aubin, Bourgaultdu Coudray et Dérouléde. Vous pourrez aussi examiner tout à l'heure les photos des deux autres moulins à vent susbsistant dans la région : Petit Paquet et Rocheterre.
Le plaisir que j'eus jadis à voir tourner les moulins de Don Quichotte sur les collines d'Andalousie m'a révélé l'enrichissement qu'apporterait à notre patrimoine la restauration de ces ancêtres de l'industrie sucrière. Après leur succès de la Tour Martello à Rivière Noire ce serait un beau projet à suggérer aux Friends ofthe Environment.
Joseph Staub avait nommé sa propriété Forbach en mémoire de la ville de Lorraine où sa famille, originaire de Mannheim, s'était installée dès 1631. Il avait commencé son service militaire dans un corps expéditionnaire envoyé en Martinique, pour y rétablir l'ordre. A son retour il fut muté dans le régiment du Général Decaen, en partance pour l'Ile de France où il arriva en 1803. Après sa mort, Louis Bouton lui donna la primeur dans ses Esquisses Historiques qu'il publia dans le Radical du 16 février 1871. Je cite : « Après la prise de l'Ile et le départ de son régiment, Joseph Staub éleva, du fruit de ses économies comme chapelier en 1811, une petite boutique sur une bifurcation du chemin qui conduisait au Mapou. Toutes les semaines il venait en ville pour y faire de nouvelles emplettes et déposer dans un petit sac, cousu par une de mes parentes, le bénéfice de ses ventes. Bientôt les sacs ne suffirent plus. Alors il songea à converter son argent en un bon terrain de la localité dont il devint acquéreur, et c'est ainsi que Forbach fut cédé. Elle mesurait cinquante et un arpents. »
Les affaires prospérant, Joseph fit appel à son frère Jean, tout juste libéré de l'armée, pour venir l'aider à gérer Forbach. Un mot serait d'intérêt sur les activités de son régiment, qui font une étonnante lecture. Engagé dans le 6e Régiment des Chasseurs à Cheval, il prendra part à toutes les grandes batailles de l'Empire. Il en sortira avec le grade de sous-lieutenant. Après les Cent-Jours, on le retrouve chargeant encore à Waterloo avec la Grande Armée. Son régiment est licencié en 1815 et il rentre dans ses foyers pour y trouver la lettre de Joseph qui l'attendait. Quand il arrive à Forbach, Joseph est à construire son moulin à vent. Devant la sérénité de la Plaine du Nord, Jean Staub a du se réjouir en pensant qu'il allait enfin connaître le repos du guerrier.
Avec l'aide de Jean, les affaires prennent de l'envergure, Forbach va bientôt s'étendre à 743 arpents. Aussi à la mort de Joseph en 1825, Jean fera appel à son autre frère Nicolas, mon aïeul, pour venir l'aidera mener l'exploitation. Nicolas débarque avec sa jeune femme Catherine Flaos et leurs trois enfants. Bientôt il se fera construire une confortable maison à Forbach, où naîtront trois autres enfants. Notons l'avant-derniére, Philippine Sophie, l'aïeule de la branche française de la famille et son dernier frère Jean-Baptiste, mon grand-père, qui parti gamin pour France, reviendra fonder plus tard la branche des Staub du Sud.
Nicolas et Jean Staub vont faire construire l'église de Poudre d'Or, qu'ils désiraientvoirdédier à Saint-Nicolas, le saint patron de la Lorraine. Hélas, l'évêque insista pour la nommer Sainte-Philomène. Par la suite, le nom de la présumée sainte fut retirée de l'Hagiographie. Pour éviter une querelle de clocher, le clergé préféra reconsacrer l'église à la Bienheureuse Marie-Reine.
Mais chez le' Lorrains, l'entêtement est une vertu. Ayant participé activement à la construction de l'église Saint-Franfois des Pamplemousses, NiGOlas saisit l'occasion de se venger subtilement en offrant à l'évêqueîe don incontournable d'un beau portrait de Saint-Nicolas pour la nouvelle église. Ultime raffinement, il avait insisté pour que ce soit un Lorrain de souche qui posa pour le tableau en la personne de Monsieur Chevandier de Valdromme. L'on pourrait deviner le biais de ses dévotions et ses regards satisfaits pendant la grand'messe. Le tableau a maintenant disparu.
Le malheur frappa à Forbach avec la mort de Catherine, l'épouse de Nicolas vers la fin de l'année 1835. Elle avait attrappé le choléra en soignant des engagés indiens, nouvellement arrivés sur la propriété. Quelque peu responsable, le Gouverneur Nicolay, déboussolé peut-être par l'affaire Jeremy et l'abolition de l'esclavage, avait décidé d'écourter la quarantaine, pour avoir plus vite en main son courrier de l'Inde.
Nicolas Staub, très affecté, et désirant par ailleurs s'occuper de l'éducation de ses enfants, décida de repartir pour la Lorraine avec sa famille en 1839. Après un séjour à Forbach, il alla s'établir à Lundville pour se rapprocher de sa fille Philippine Sophie mariée à un avocat de la ville. Il y demeura jusqu'à sa mort en 1870.

Jean Staub s'était marié depuis plusieurs années déjà. En 1837, il décida d'acheter Schoenfeld, propriété proche, et s'y fit construire une belle demeure où, entouré de ses filles et de ses gendres, Eugène Roget de Belloguet et Barbey de Jouy, il aimait recevoir. Dans son ouvrage, Guy Rouillard donne une illustration de la sucrerie de Schoenfeld à cette époque.
Pour établir ses gendres, Jean Staub achètera Bel Ombre en 1850. Il mourait six ans plus tard, n'ayant pas eu la joie d'assister au mariage de sa petite fille Marguerite Belloguet avec Paul Rousselot de Morville. A sa disparition, Schoenfeld fut vendue et bien plus tard Bel Ombre et la famille retourna en France.
Avant de partir, elle avait tenu à élever un cénotaphe de marbre au cimetière de Pamplemousses avec cette inscription : "Les enfants de Jean Staub ont élevé ce monument à leur père et à leur oncle. Ici reposent deux frères qui ont cordialement aimé ce pays".
Quand Nicolas Staub délègue son fils Jean-Baptiste à l'Ile Maurice pour réaliser les biens qu'il y avait laissés, il avait pensé à tout, sauf à la magie des clairs de lune aux larges des Canaries, et aux charmes d'une passagère possible à bord du navire, ma future petite grand'mère.
J'en suis la lointaine conséquence, et profite pour vous mettre en garde contre les sortilèges de cet astre, en vous faisant remarquer que l'organisateur de nos sorties a l'art de faire coïncider fin de soirée et clair de lune. Romantiques mes frères, faites gaffe ce soir !
C'est à Baie du Cap, chez son beau-père Antoine Bertrand, officier retraité, que s'installa Jean Baptiste et sa femme Antoinette.
Enrôlé, en I792 et libéré à l'Armistice de 1815, Bertrand avait survécu à de graves blessures. Il avait cherché et trouvé un refuge au fond de cette valise du bout du monde. Avant d'habiter la concession qu'il avait acheté à Claude Frédéric d'Emmerez en 1832, Bertrand avait épousé Ernestine de Guigné des Pluies, issue d'une famille réunionnaise, qui lui avait donné une fille.
La Grande Chancellerie impériale de la Légion d'Honneur avait quand même réussi à lui faire parvenir la Médaille de Sainte-Hélène, portant l'effigie de l'Empereur. Elle était destinée à ceux de ses compagnons dont il s'était spécialement souvenu dans son exil.
Nicolas Pike, consul américain, visite la Baie du Cap dans son tour de l'Ile. "C'est un coin perdu et tranquille, écrit-il, et la maison s'élève au milieu d'un jardin bien cultivé." Jean Baptiste Staub lui donne un guide pour le mener visiter une liane géante. "A notre retour, note Pike, // nous permit de nous gaver des fruits de son verger. "
J'ai connu, gamin, sur les berges de la Rivière du Cap, cette maison centenaire, à stage et à clins, sans vis ni clous, construite sans doute en défrichant la forêt. Intacte, elle servait de voilerie et de corderie aux métiers du domaine. J'ai aussi goûté aux juteuses mandarines dont se régalait Pike, qui m'attendaient aux vacances d'août. Mais au long des années, les enfants et petits enfants de Jean-Baptiste perdirent jusqu'au souvenir de leurs cousins de France.
C'était écrit sans doute que Forbach, lieu d'origine, allait aussi être le lieu de rencontre des familles séparées. Cela tenait du miracle et, comme tous les miracles, cela vint d'en haut.
En 1975, du 5 au 7 février, le cyclone Gervaise ravage l'Ile Maurice. L'appel à l'aide tombe sur les antennes du grand porte-avions, le Georges Clemenceau, qui croisait au large et qui vint jeter l'ancre à Port-Louis. Dès le lendemain, les hélicoptères prennent l'air. Par le plus grand des hasards, l'appareil transportant le lieutenant de vaisseau Alain Oudot de Dainville et son équipe, survolent la Plaine du Nord. Leur mission : aider au rétablissement du réseau téléphonique. Soudain, voici qu'en bas, au pied d'une tour et d'une cheminée, des hommes s'affairent et l'on se pose.
A la question du pilote : " Où sommes-nous ? " A Forbach, fut la réponse. Mot magique, que les grand'mères de notre souche française répètent à leurs enfants ; et Alain de Dainville ne fut pas long à retrouver dans l'Ile sa famille oubliée.
J'eus le plaisir l'an dernier de serrer la main de son père, le Général Michel de Dainville, venu avec son épouse visiter leurs cousins et fouler le sol de Forbach, terre natale de son aïeule, Philippine Sophie Staub, la sœur de Jean-Baptiste. Les précisions de ces notes proviennent de ses recherches aux archives de l'armée.
Alain de Dainville fut Commandant du Georges Clemenceau.

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Nom de l'item Contributeur Date d'ajout
Moulin à CascavelleDavid31-03-2011
La Tour KoenigDavid31-03-2011
Tour du moulin à vent de Belle Rivemaya24-11-2011
Tour du moulin à vent de Riche Terremaya24-11-2011

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Commentaires :

4 commentaires ont été écrits sur cet item.
commentsPar Rahul le 2010-11-08 19:25:57
Emouvante histoire. J'aime aussi le style narratif.
Bravo a la redactrice.
commentsPar Ludovic Lagesse le 2011-05-23 16:01:33
C'est avec beaucoup d’émotions que je viens de lire ce récit... je revois France Staub nous racontes ces histoires de famille gamin.... c'est mon oncle et un grand bonhomme....
commentsPar escort Paris le 2012-10-13 00:58:06
Ce domaine semble avoir une bonne quantité de visiteurs. Comment pouvez-vous obtenir du trafic sur elle? Il offre un tour agréable unique sur les choses. Je suppose avoir quelque chose de réel ou substantiel de parler est la chose la plus importante.
commentsPar rampal le 2015-03-29 16:09:20
J'ai aimé lire ce récit et particulièrement l'histoire de ce moulin à cannes, l'ambiance d'e l'époque, cela me rappelle que mon aieul décoré de la médaille de ste Hélène s'était installé en 1820 pour ne plus repartir...merci de nous l'avoir fait partager...