SOS PATRIMOINE EN PERIL

Base de données du patrimoine mauricien



Accueil base de données
Parcourir l'inventairebook
Carte générale du bâti et des sites
Recherche rapide

  OU ET

Identifiez-vous

Developped by Peyo ltd.

La tragique disparition du Saint Géran au large de l'Ile d'Ambre

Ajouté le Vendredi 23 novembre à 00:00 par Burlington
Revu le Vendredi 23 novembre à 00:00 par Burlington

Cet à article est au sujet de : National History Museum

Thématique : Naufrages

Auteur :

Résumé :
C'est peu avant l'aube, le 18 août 1744, soit un peu plus de 265 années de cela, qu'eut lieu l'un des naufrages parmi les plus connus de l'histoire de la navigation mauricienne. Il s'agit de celui du Saint Géran, " a ship of eight hundred tons, commanded by Capt. G.R. de la Marre." (1) Le vaisseau ayant quitté Lorient le 24 mars 1744, fit escale à Gorée et " arrived off Round Island near l'Ile de France, at 4 p.m. on 17th August. " (2) Tôt le lendemain elle s'échoua au large de l'Ile d'Ambre à Poudre d'Or, " at the spot now known as the Passe Saint Géran. "(1) 172 des 181 personnes y compris le capitaine Gabriel Richard de la Marre se trouvant à bord périrent dans le naufrage : " Huit hommes de l'équipage et un passager seulement parvinrent à s'échapper. "(3)

Contenu :
Le récit du naufrage a été tissé et immortalisé dans la légende de " Paul et Virginie ", née de l'ouvrage célèbre de Bernardin de Saint Pierre, et cela a posé la question de la fiabilité historique du récit retenu dans la légende. Dans quelle mesure le romancier a-t-il romancé l'Histoire et quelle est la part de l'Histoire dans la légende ? Il est des fois où la ligne démarcation entre l'histoire et la fiction est à peine perceptible. "Bernardin de Saint Pierre en écrivant son roman Paul et Virginie a créé une légende et peu de lecteurs se sont souciés de savoir quelle était la part de vérité dans la relation du naufrage du Saint Géran. "(3) " La fable a effacé les faits de la mémoire " écrivait l'ancien ministre des Arts et de la Culture, Joseph Tsang Mang Kin, se rapportant au naufrage du Saint Géran.(4)
Une source fiable, les témoignages des survivants
Pour éviter cet écueil, les historiens ont fait un usage abondant du récit qu'en ont fait les témoins oculaires, qui sont les survivants du naufrage. Ce compte rendu a permis d'authentifier les événements avant, pendant et après la tragédie. "De ce naufrage survivront seulement 8 matelots qui, le 22 août, feront la première déposition concernant les événements, au greffe du Conseil Supérieur de l'Isle de France. Le document se trouve consigné aux Archives de l'Ile Maurice."(5) L'accès au document en question a encouragé la publication de plusieurs papiers s'efforçant de reconstituer " la véritable histoire du naufrage du Saint Géran. "(3) Les Archives de Maurice a publié une transcription intégrale des témoignages des survivants, lesquels ont été entendus au cours des auditions qui s'étalèrent du 22 août au 28 septembre 1744.
Le Service des Recherches du Bureau des Archives de l'île Maurice (comprenant en 1998 Gheeandut Suneechur, Roland Chung Sam Wan, Jeenat R. Ahamed, Ushamatee Sohun, Santee Ramduny, Seeta Devi Goomanee, Dharmendra Mukool et Sangeeta Mohun) a souligné le sens et l'importance de sa démarche en transcrivant pour la postérité les dépositions faites, peu après le naufrage, par les rescapés:
" Ces dépositions sont conservées sous forme manuscrite aux Archives Nationales de l'île Maurice dans une liasse de documents de la Compagnie des Indes. Toutefois ceux-ci n'ont jamais été transcrits et publiés, d' où un manque flagrant d'informations à propos du naufrage. Cet état de choses, à travers le temps, devait engendrer toutes sortes d'hypothèses et de légendes, aidé en cela par la parution au XIXe siècle du texte romancé de Bernardin de Saint-Pierre intitulé Paul et Virginie dans lequel l'auteur, donnant libre cours à son imagination fertile et insulaire, situe et décrit Ie naufrage comme étant survenu pendant la nuit d'une de ces terribles tempêtes tropicales. A telle enseigne que, le temps aidant, la légende et la fiction ont pris le pas sur la réalité historique.
Aujourd'hui, nous voulons étaler au grand jour la vérité, la seule et unique vérité, que seuls des documents authentiques et des papiers d'archives sont à même de nous montrer.
Nous voulons permettre à chacun de lire, de découvrir et de comprendre toute la tragédie de ce naufrage à travers la lecture de ces témoignages poignants et très souvent remplis d'émotion de ces neuf rescapés. Tragédie? Oui, car c'est l'erreur humaine, source de bien des maux, qui était à l'origine de ce drame. Ni la nature ni les éléments ne peuvent être tenus responsables de la perte du Saint-Géran qui - 0 suprême ironie - sombra au petit jour après une nuit de beau clair de lune. "(4)

Les pertes humaines et matérielles et les rescapés
Se basant sur le relevé des témoignages, utilisant à cet effet les manuscrits originaux, H.C.M. Austen a fait état des circonstances entourant le naufrage et les premières pertes en vies humaines. "The captain intended to anchor by moonlight in Tombeau Bay, but, for some unexplained reason, failed to reach his objective, and, at 3 a.m. on 18th August, went ashore on the reef about 3 miles south of l'Ile d'Ambre, where the ship very soon broke up. A sailor named Caret made every possible effort to save the captain, but de la Marre refused to take off his clothes as he thought it beneath his dignity to reach the shore naked. Caret swam a long way supporting the captain on a plank until they came across a raft crowded with men. De la Marre decided to join the raft, thinking he would thus be safer, and so left Caret to his plank and made for the raft when the latter capsized and all were lost."(2)
Cependant, les victimes dont fait mention H.C.M. Austen ne furent pas les seules à périr en cette aube fatidique du 18 août après une nuit de clair de lune : "Se trouvaient à son bord, des hommes, des femmes et des enfants, parmi lesquels des fils et filles du sol qui retournaient au pays pour retrouver les leurs, ainsi que des notables que les affaires avaient portés en Europe. Il y avait aussi des nègres et négresses pris en cours de route à l'île de Gorée pour renforcer les ressources humaines de l'Isle de France. D'autres avaient embarqué pour tenter l'aventure ou pour essayer de faire fortune dans cette nouvelle terre d'avenir qu'ils allaient fouler pour la première fois….Mais le destin, ce terrible destin allait cruellement les frapper dans leur corps et dans leur âme au petit jour de ce fatidique 18 août 1744."(4) Outre les pertes en vies humaines s'élevant à 172, le naufrage entraîna d'énormes pertes matérielles, le vaisseau ayant à son bord, entre autres, " une cargaison de 54 000 piastres d'Espagne destinées à l'lsle de Bourbon et des machineries pour la première usine sucrière en construction, La Villebague, connue aujourd'hui sous le nom de Grande Rosalie aux Pamplemousses. "(Idem)
Après ce drame en mer, il en resta huit survivants au sein de l'équipage et un parmi les passagers. Les huit survivants sont Pierre Tassel, "the first man to reach the shore at 11 a.m…after swimming and floating in the sea for 5 hours"(2) et "Allain Ambroise, Thomas Chardron, Jean Scanvrin, Pierre Vergez, Edmé Caret, Jacques Le Guain and Jean Le Page." (4) Pierre Tassel et Allain Ambroise étaient bosseman (autrefois un sous-officier de marine chargé de veiller aux ancres, aux câbles et aux bouées), Thomas Chardron, matelot, Jean Scanvrin, pilotin, Pierre Vergez, adjudant-canonnier, Edmé Caret, patron de chaloupe, et Jacques Le Guain, matelot. Le seul passager survivant était "Jean Dromat de Saumur."(Idem) Ils déposèrent tous devant Antoine-Nicolas Herbault, conseiller au Conseil Supérieur de l'Ile de France et Molère, greffier, et leurs témoignages constituent le document original relatant les péripéties du Saint Géran.
Les personnes incarnées par " Paul et Virginie "
Sans doute, le document susmentionné a beaucoup contribué à une juste appréciation du naufrage du Saint Géran. Cependant, un voile de mystère plane toujours sur l'identité de la dame malheureuse qui périt dans le naufrage et qui a été immortalisée par le personnage de Virginie dans " Paul et Virginie ". H.C.M. Austen fait état de la version suivante:
"Clinging to one of the spars was a Mademoiselle Mallet and a Monsieur de Péramon who would not leave her side. On another spar was a Mademoiselle Caillou with Lieutenant de Montandre to whom she was engaged and whom she was going to marry as soon as they landed in the Colony. Lieutenant de Montandre had made a raft and was seen praying his fiancée to take off as many clothes as she could spare and join him on his frail craft. She refused and gave him her hand in token of love and tender acknowledgement of his efforts to save her life. He removed from his pocket book the lock of her hair which she had given him a few weeks before, kissed her passionately and taking her in his arms awaited their inevitable death. Upon this incident was founded Bernardin de St. Pierre's famous romance, 'Paul and Virginia'."(2)
L'archiviste mauricien Antoine Chelin a fait mention d'une autre hypothèse : "Dans ce naufrage meurt Jacques Robert Delieur de Belval, lieutenant d'infanterie et ingénieur, et sa fille adoptive et pupille Jeanne Hélène Neizen qui, a-t-on supposé, pourrait être le personnage dont se servira Bernardin de Saint-Pierre pour son roman Paul et Virginie. "(5) Mais qui sait qui Virginie incarne en fait ? La seule chose dont on peut être certain, c'est qu'elle incarne une vraie dame, en chair et en os, qui a vraiment et tragiquement disparu dans le naufrage du Saint Géran à l'aube du 18 août 1744, après une nuit de clair de lune…
________________________________________Déposition de Jean Dromat de Saumur, passager, en date du 28 août 1744
(La déposition de l'unique rescapé côté passagers est reproduite pour permettre aux lecteurs de savourer son authenticité, découvrir l'orthographe et l'idiome propres à l'époque.)
L'an mil sept cent quarente quatre Ie vingt huit aoust est comparu au Greffe Jean Dromat de Saumur passager sur Ie Vau Le St Geran engagé par Mr Guinée pour etre commandant sur son habitation a l'Isle de Bourbon rechapé du naufrage de susd. Vau a declaré ce qui suit quil etoit party de l'Orient le 24 Mars que l'on avait relaché à Gorée que le reste de la traversée avoit été assez heureuse il y avoit dans le Vau un passager nommé Mr De Brauhant qui mangoit a la table du Capitaine et qui venoit en ces Isles pour i naviguer il est mort avant de doubler Ie Cap il y avoit aussi un soldat qui venoit en ces Isles par lettre de cachet que l'on disoit homme de condition il paraissoit avoir 25 ans et se nommoit Ie chevalier d' Autreville et etoit Ie plus grand scelerat par raport a la religion et Ie plus grand blasfemateur quil y eu au Monde. Mr Dela Mare avoit fait inutilement ce quil avoit pu pour reprimer l'impiete de ce jeune homme Ie 17 aoust a quatre heures apres midy on vit la terre on fit petite voiles pour l' aprocher et la mieux reconnoitre et a six heures du soir on mit a la Cape sous la Grande Voile a trois heures apres minuit Ie deposant fut reveillé par Ie cris de tout Ie monde et par Ie son de la cloche il monta sur Ie Gaillard et trouva Mr DelaMare qui sortoit de sa chambre en gillet et en culotte Mr Malles en chemise et en culotte et Mr De Montandre habillé Ie Vau venoit de toucher et dans cet instant" il ny avoit que Ie Sr L' air sur Ie Pont ne connoissant pas les manoeuvres par leur nom il ne peut rendre compte de ce qui se fit alors et tout ce quil peut dire cest que l'on coupa les hauts bans de vent du Grand Mats qui tombant entraina Ie mats d' Artimon on coupa Ie mats de misaine on voulut faire un Rads mais la mer raportant les mats dans Ie navire en empecha on essaya a mettre les bateaux dehors on ne put en venir a bout et ils se briserent il vit tout Ie monde se jetter a la mer et perir presque aussitôt ce qui I' empechoit de se determiner a prendre un party ne scachant point du tout nager enfin voyan Ie Vau tout fracassé par les mats et les lames et prest a se separer en morceaux il apercut trois avirons de chaloupe dans les porte haubans il les lia ensemble aidé d'un Gabier et d'un matelot ils les mirent a la mer et lui se mit dessus Ie Gabier et Ie matelot sy attacherent aussi et a peine avoient ils paré la poupe du Vau qun coup de mer epouvantable fit lacher prise au Gabier qui cherchant a se racrocher saisit les cheveux du deposant qui se tint si ferme sur les avirons que la poigné de cheveux resta entre les mains du Gabier qui perit a leur vue Ie matelot et Ie deposant apres avoir été longtems baloté par les lames furent enfin poussés heureusement jusqua l'Isle d'ambre sans que Ie deposant puisse dire comment Ie matelot mourut presque en arivant a terre.
Fait en la Chambre du Greffe au Port du N.O. Isle de France ce Susd. jour et an en la presence de nous antoine nicolas herbault conseiller du Roy au conseil superieur de l'Isle de France et commissaire nommé pour recevoir et dicter les depositions cy dessus.

Reférence(s) :
1.Mercure de France, Janvier 1929 2.H.C. Austen, Sea-fights and Corsairs of the Indian Ocean being the naval history of Mauritius from 1715 to 1810, Port Louis, Imprimerie du Gouvernement, 1934 3.Pierre de Sornay, Isle de France - Ile Maurice, Port Louis, General Printing, 1950 4.Témoignages des survivants du naufrage du Saint Géran, 1744 - Le Fonds de Publication des Archives de Maurice, Coromandel, Ile Maurice, 1999 5.Antoine Chelin, Une île et son passé, Port Louis, The Mauritius Printing, 1973 6. "Paul Et Virginie" Bernandin De St Pierre, Alphonse Lemere,1847 et Furne,1853. Courtesie: Carnegie Library, Curepipe.

Commentaires :

Un commentaire a été écrit sur cet article.
commentsPar nancy le 2015-03-29 17:05:49
Bel article, on a toujours le plaisir de lire cette belle romance de Paul et Virginie ouvrage de Bernardin de saint Pierre