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Au cimetière de l'Ouest : un pan du patrimoine de l'île Maurice

Ajouté le Lundi 07 février à 00:00 par David
Revu le Lundi 03 janvier à 00:00 par David

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Tombeau d Jacques Pitcha (1700-1780)   Zoom

Cet à article est au sujet de : Le Cimetière de l'Ouest

Thématique : Historique

Auteur : B. Burrun

Résumé :
Cela fait 240 ans depuis que le cimetière de l'Ouest sert de nécropole, ce qui fait d'elle, indubitablement, <i> «le plus vieux cimetière de l'île toujours en service».</i> (1). En effet, c'est au début de janvier 1771 que ce cimetière ouvre ses portes dans la partie occidentale de Port Louis, non loin d'une fortification, le Fort Blanc, d'où le nom qu'il porte au départ, le cimetière du Fort Blanc.

Contenu :
En fait, l'ouverture de ce nouveau nécropole est rendue nécessaire suite à la décision des autorités civiles (les autorités religieuses n'y voulant rien entendre) de fermer le premier cimetière de Port Louis, le cimetière de l'Enfoncement situé non loin du jardin de la Compagnie. Ce cimetière aura ainsi servi à accueillir les morts au cours des cinq premières décennies de l'occupation française, comme l'atteste <i>"le plus vieil acte d'inhumation" qui "date du 17 mai 1721." </i>(2)
D'où vient l'appellation «Cimetière de l'Enfoncement»? Elle remonte aux premiers jours de la colonisation française de l'île. <i>«Après le débarquement des passagers et des vivres au Port Nord-Ouest, les colons commencèrent à bâtir des cases recouvertes de feuilles de. lataniers, dans l'enfoncement du port, sur les berges du ruisseau du Pouce, à l'emplacement qui, par la suite, s'est appelé le Jardin de la Compagnie</i>.» (2) S'y trouve <i>«une grande ravine dite de l'Enfoncement d'où l'origine du nom "cimetière de l'Enfoncement</i>.» (Idem)
A l'évidence, <i>«c'est suite à la désaffectation du cimetière de l'Enfoncement que celui de Fort Blanc aux Salines fut rendu opérationnel en 177</i>1»(3) On est manifestement en présence d'une erreur de chronologie lorsque son auteur affirme précédemment, en parlant du cimetière de l'Enfoncement, que <i>«ce cimetière fut désaffecté en 1761 vu l'extension du Port Nord Ouest et transféré aux Salines à Fort Blanc</i>». (Idem) La désaffectation date en fait de 1771 comme l'auteur le souligne correctement plus tôt, l'année indiquée "1761" étant, ni plus ni moins, une coquille bien involontaire.
Toutefois, des indices tendent à prouver que la désaffectation du cimetière de l'Enfoncement s'est étalée dans le temps, ce qui expliquerait la rareté des tombes avant 1790" au cimetière du Fort Blanc. Même si officiellement, <i>«le cimetière situé près du jardin de la Compagnie à Port Louis est supprimé ce n'est qu'une décennie plus tard, c'est-à-dire en septembre 1782, qu'on vit la désaffectation complète du cimetière situé à Port Louis, et son transfert au Fort Blanc</i>». (1)
Manifestement, c'est une peur d'infection qui mène à la fermeture du cimetière de l'Enfoncement. Déjà, <i>«le 22 février 1756, le Procureur Général présenta une requête au Conseil pour demander le déplacement du cimetière et son éloignement du lieu où il est situé; parce que se trouvant au centre de la ville de Port Louis, celui-ci était considéré "comme une cause d'infectio</i>n» (2) Et, d'autre part, c'est pour se prévenir contre tout risque d'infection que <i>«le cimetière du Fort Blanc, fermé jusque-là par une haie de raquettes, fut entouré d'un mur de clôture</i>.»(1) Une mesure qui n'est pas de trop quand on sait que <i>«des cochons allaient dans le cimetière, jusque-là resté sans clôture»</i> et <i>«déterraient les corps, et traînaient dans les rues des lambeaux de cadavres</i>.»
Mais où se trouvait précisément le cimetière de l'Enfoncement? Etait-il <i>«non loin du Jardin de la Compagnie là où se trouve présentement le bâtiment de l'Institut de Maurice</i>»? (3) Cette affirmation est correcte dans la mesure où elle infirme la croyance qui veut que le cimetière en question occupait l'emplacement actuel du Jardin de la Compagnie, mais incorrecte en la plaçant sur le site actuel de l'Institut de Maurice. En effet, <i>«l'ancien cimetière n'était pas situé, comme on le croit généralement, sur l'emplacement actuel du Jardin de la Compagnie mais sur la rive droite du ruisseau du Pouce, un peu plus haut que l'Institut actuel</i>». (4) Ou, selon une version moderne, <i>«sur la rive droite du ruisseau de la Butte-à-Thonier, dans l'espace compris aujourd'hui entre les rues du Vieux-Conseil et Félicien Mallefille </i>». (2)
Il est certain que le développement de la ville a imposé des limites à toute expansion du nécropole dans l'espace qui est destiné à devenir le centre-ville. D'où son transfert, sur l'initiative du gouverneur Julien Desroches, à une zone excentrée de la ville, non loin du Fort Blanc. Ce fort, anciennement la Batterie Royale de La Bourdonnais, plus tard le Fort William, est aujourd'hui le quartier-général des garde-côtes. (5) Le déplacement du nécropole, tout en répondant à des impératifs sécuritaire et sanitaire et aux exigences d'une urbanisation galopante, est tout à fait dans l'air du temps. <i>«En fait, entre 1770 et 1830 la plupart des villes européennes ont aussi pris la décision de déplacer les cimetières du centre des villes, mettant fin à la pratique d'ensevelissement dans les églises.</i> »(1) Au départ, très peu d'inhumations ont lieu au nouveau cimetière, une situation qui perdurera sur au moins deux décennies. Par contre, dès le début, le gouverneur Desroches ordonne que l'on fasse rapidement les exhumations. Ainsi, l'ingénieur militaire Bernardin de St-Pierre, malgré ses réticences, se voit chargé <i>«de l'excavation et du transfert des ossements du cimetièr</i>e». (2) Au cours de cet exercice, <i>«les restes de Gabriel lgou y furent transférés, comme ceux des autres défunts enterrés dans le cimetière</i>.» (Idem) Gabriel Igou est le préfet apostolique et premier prêtre de la Congrégation de la Mission de la Paroisse de Saint Louis, dont la pierre tombale a été découverte dans la nuit du 2 au 3 novembre 2005 lors des fouilles à l'emplacement même occupé précédemment par le cimetière de l'Enfoncement.
En 1996, Philippe la Hausse de Lalouvière et Marina Carter ont répertorié les noms des personnes ensevelies dans le cimetière de l'Ouest dite "vieille section française", qui date de l'époque du gouverneur Julien Desroches. En fait, c'est à cet emplacement précis qu'a commencé le cimetière de l'Ouest. Un coup d'oeil sur la section répertoriée: <i>«La section répertoriée est de 30m par 20m et située entre l'entrée principale au nord et la croix blanche qui démarque le centre spirituel du cimetière. Quelques 250 tombes qui contiennent au moins 510 âmes se trouvent dans cette section. Il existe peu de caveaux; la plupart des personnes ayant été enterrées directement dans le sable, généralement à une profondeur de moins de six pieds. Chaque tombe contient entre une et onze dépouilles.</i> »(1) Sous une rubrique intitulée "Nationalité, Statut Social et Importance Historique", le répertoire tente d'établir l'identité et le statut des défunts inhumés dans la vieille section française: <i>«Le cimetière ne contient que les gens "libres" car les esclaves de l'époque n'avaient pas le droit d'être enterrés dans ce lieu. Les personnes enterrées datant d'avant l'abolition de l'esclavage en 1834 étaient principalement, mais non exclusivement, des blancs. Dans notre section, nous n'avons pu retracer aucune personne de couleur, avant le 20ème siècle.</i>»
<i>«Touchant notre section, nous avons constaté la présence d'une magnifique pierre tombale, du l8éme siècle, abritant les restes d'un artisan tamoul. Plus de 50% des personnes inhumes sont né(e)s français(es), avant 1810 en territoire français.
L'lsle de France est devenue anglaise parla force en 1810 et par le Traité de Paris en 1814. Il y a d'autres nationalités présentes dans notre section, par exemple des Suédois, Allemands et Anglais.
Il nous semble qu'une bonne partie des tombes appartiennent à des gens assez aisés, fait qu'on peut déduire à travers la qualité des pierres tombales, du marbre et des détails des inscriptions. L'occupation la plus citée sur les tombes et celle d'officier de marine, ce qui nous permet de constater également le niveau social assez élevé des personnes inhumées. D'autres occupations des défunts sont: membre de l'Assemblée Coloniale, gouverneur, officier militaire, notaire, chirurgien, négociant, ecclésiastique, fonctionaire et d'autres.</i> »(Idem)
Signalons que même si, au départ, ce sont des éléments de l'élite coloniale qui y sont inhumés, il n'empêche qu'une famille anglaise a fait inhumer une "servante" dans le carré où sont inhumés ses membres. Comme nous l'a fait remarquer, Mme Dobelle, épouse de l'ambassadeur de France.
Le répertoire révèle que la tombe la plus ancienne du cimetière se trouve dans la vieille section française: <i>«La tombe la plus ancienne du cimetière se trouve dans notre section, et est celle de Jean-Pascal Dujonc de Boisquenay, né à Lorient et officier des vaisseaux de la Compagnie des Indes. Il est mort le 24 février 1774. Sa mort fut suivie de peu par celle de Pierre Lahuppe, archer de marine, qui se trouve près de lui. Natif de Brecey (Manche) il est mort siècle</i>.» (1) En fait, les inhumations continuent jusqu'aujourd'hui Sur une des tombes dans cette section est signalée l'inhumation en 1983 de Mme Olga Jupin Née Camille, décédée le 6.9.1983 âgée de 75 ans.
La même tombe porte l'épitaphe rappelant l'inhumation en 1968 d'un autre membre de la famille Jupin: Ici repose Léon Jupin décédé le 17.7.1968 âgé de 61 ans. Léon et Olga étaient mari et femme. Mais il n'est pas toujours aisé d'établir la relation. <i>«Dans la plupart des cas, on peut deviner aisément la relation entre les gens enterrés ensemble (par exemple Brouard/ Bergsten, ou Brun/Merle) mais pour certaines tombes la relation n'est pas évidente.</i> »(1) Toutefois, il semblerait que le regroupement des tombes facilite largement l'identification des relations ayant existées entre les personnes inhumées. <i>«Nous avons observé que dans beaucoup de cas, il y a un regroupement des tombes par le sang ou le mariage. Par exemple, la famille de Thomas Dayot. est regroupée dans neuf tombes les unes près des autres, elles contiennent les enfants, gendres et petits-enfants</i>.» (Idem)
A signaler que <i>«les familles suivantes sont issues en totalité ou en partie de la famille Cossigny: Rémono, Houbert de Chardenoux, la Hausse de Lalouvière, Blandin de Chalain, Charoux, Le Breton, Maurel, Cayeux, Sauzier, Leclézio, Huet de Froberville, Hardy, Plat, Lenoir, Couve de Murville, Avrillon, Brouard, Doger de Spéville, Lavoipierre et Lagesse</i>». (Idem)
Le répertoire s'attarde ensuite sur les tombes elles-mêmes pour y relever la matière première utilisée, le style d'aménagement et la qualité des inscriptions. De quoi est donc fait ces tombes? <i>«La matière première utilisée pour les tombes est du basalte. Tout marbre noir et blanc n'existant pas à Maurice, il a donc été importé. La plupart des tombes jusqu'au milieu 19ème siècle est en pierre seulement</i>.» (idem) Quant au style des tombes, il est assez différent <i>«pour qu'on puisse les dater sans même regarder l'épitaphe', le style évoluant selon l'époque. Ainsi, elles consistent généralement en "une pierre rectangulaire placée sur le sol ou juste au-dessus supportée par des pierres</i>»(fin du 18ème siècle). Au début du 19ème siècle, les tombes les plus modestes sont <i>«comme celles du 18ème, mais il en est d'autres "avec marbre ou élevées jusqu'à 4 pieds de hauteur supportées par des pierres taillées</i>» et <i>«on trouve aussi le commencement d'emplacements de grillages en fer et aussi des caveaux</i>». Dans la deuxième moitié du 19ème siècle "«<i>beaucoup de tombes sont surmontées par une colonne carrée en pierre taillée avec sur une ou plusieurs faces des colonnes plaquées de marbres et couronnées par un chapiteau à quatre cornes, ou un ciboire sculpté</i>». (Idem) Au vingtième siècle arrivent <i>«les caveaux de pierre de taille plus grandioses mais sans fioritures, pour les gens aisés</i>» alors que <i>«pour les tombes modestes, on trouve du ciment et aussi des carreaux de céramique.</i> »(Idem)
Quant à la qualité des inscriptions, elle "varie énormément". Ainsi, <i>«on trouve dans certaines épitaphes, même de la fin du 18ème siècle, en relief, une qualité de travail qu'on ne trouve plus de nos jours</i>». (Idem) Mais on trouve aussi, à la même époque, <i>«une qualité de gravure très simple, même rustique</i>», à l'instar des deux plus vieilles pierres tombales du cimetière qui "ont une inscription assez rudimentaire (1774) ". En général, la qualité de la gravure sur marbre, depuis les premières années du 19ème siècle <i>«est excellente, mais on constate une certaine détérioration et même un certain manque de partir du siècle. »</i>(Idem)
Fouilles et restauration ayant plus que jamais établi la valeur de ce pan du patrimoine bâti de l'île, où "les tombes se lisent comme un répertoire des personnes ayant marqué l'histoire de l'île Maurice"(6), la Fondation Fort Blanc est mise sur pied, avec comme objectif principal <i>«de préserver le patrimoine historique du Cimetière de l'Ouest à des fins historiques et non-lucratives</i>». (Idem) Aussitôt, un plan de projet en quatre volets est conçu (1) création de la Fondation (début 2007); (2) inventaire, recherché (terrain et bureau), et planification des travaux; (3) restauration des tombes; (4) intégration du cimetière.
Dans la dynamique créée par les premières initiatives visant à préserver et à valoriser ce lieu de mémoire, la Fondation Fort Blanc a organisé, pour marquer le 240e anniversaire du cimetière, une "cérémonie du souvenir" mercredi dernier, 14 juillet (coïncident également avec le 219e anniversaire de la république française), pour rendre les honneurs <i>«au gouverneur Charpentier de Cossigny et a Jacques Pitcha qui ont tous deux contribué à bâtir Port Louis</i>». Les deux hommes, <i>«David Charpentier de Cossigny, ancien gouverneur de I'lle de France</i>» et <i>«Jacques Pitcha, méstrie briquier, fonctionnaire et entrepreneur</i> »sont inhumés, à quelques mètres l'un de l'autre, dans cette vieille section française du cimetière de l'Ouest, initialement connu sous l'appellation du cimetière du Fort Blanc.

B. BURRUN

Bibliographie
1.Philippe la Hausse de Lalouvière & Marina Carter, Cy gît une âme retrouvée au cimetière de l'Ouest un répertoire, Cathay Printing Ltd, 1996
2. I'lle au plein centre de Port-Louis, Philippe la Hausse de Lalouvière (éditeur), Tamarin, Heritage, 2007
3. Benjamin Moutou, Ile Maurice: Récits de son histoire contemporaine, Aifran Co. Ltd, Riche Terre
4. Auguste Toussaint, Port-Louis, deux siècles d'histoire (1735-1935). La Typographie Moderne, 1936
5. Philippe la Hausse de Lalouvière. Coastal Fortifications of Mauritius. Heritage, Tamarin, 1998
6. La Fondation Blanc. Fondation pour la réhabilitation du Cimetière de l'Ouest, Port-Louis, Ile Maurice.

<b>Article paru dans le Week-End - dimanche 17 juillet, 2011</b>

Commentaires :

Un commentaire a été écrit sur cet article.
commentsPar Am le 2012-03-14 05:21:25
I have lived in Australia since 1968 my grand parents from my mother's side and my father's side are both buried in this cemetery. Both my parents are both deceased also. our family heritage is french. I hope my heritage is kept so that i can take my children and grandchildren to visit their ancestors.