SOS PATRIMOINE EN PERIL

Base de données du patrimoine mauricien



Accueil base de données
Parcourir l'inventairebook
Carte générale du bâti et des sites
Recherche rapide

  OU ET

Identifiez-vous

Developped by Peyo ltd.

LA RESERVE DU MONDRAIN

Ajouté le Dimanche 27 avril à 00:00 par David
Revu le Dimanche 18 mai à 00:00 par David

503l

Hibiscus genevii   Zoom

504s
503l

Cet à article est au sujet de : La réserve du Mondrain

Thématique : Historique

Auteur : France STAUB

Résumé :
Nous sommes ici au lieu-dit LE MONDRAIN, petite réserve clôturée de 13 arpents de forêt indigène. gère la Société Royale des Arts et des Sciences, avec l'aide appréciée des administrateurs de Médine. Bassin et d'Henrietta.
Un des fiefs de la famille de Chazal, dans le Loiret. LE MORANDIN, donnera par anagramme. nous le supposons, le nom de MONDRAIN.

Contenu :
Je vais vous dire tout de suite comment, par un hasard heureux et quelque peu providentiel. ce lieu fut désigné à l'attention de la Société Royale. Hasard vraiment ? Ou serait-ce bien, pour ceux qui y croient. influence occulte d'une gentille dame du temps jadis. Mme William Moon née Malcy de Chazal. qui dirigea vers ces lieux chéris de son enfance les pas errants de deux botanistes en chasse, le 21 janvier 1968.

Ce matin là, au détour d'un taillis, en plein soleil, ils découvrent la fulgurante beauté d'un hibiscus endémique couvert de fleurs et porté disparu, comme la belle au bois dormant. depuis plus de cent ans ! L'un des princes charmants était le Professeur Bernardi du Conservatoire Botanique de Genève l'autre, celui qui vit la plante en premier, nous a fait l'honneur d'être avec nous aujourd'hui. c'est Joseph Guého. curateur de l'herbier de l'Institut de Recherche et secrétaire de la Société Royale. Peut-être tout à l'heure saurez-vous lui faire conter lui-même son émotion et vous dire, il ne me l'a jamais dit, comment il réveilla la princesse !

Toussaint-Antoine de Chazal va s'appliquer à cultiver son domaine avec entrain. Il l'agrandira trois fais. De 405 arpents en 1775. le Mondrain comptera 1312 arpents en 1819. Cent travailleurs y déploient leur activité. Les collines alentours et la plaine se dorent diversement sous les champs d'avoine et de blé. Le maïs dresse ses épis, la pomme de terre et les patates douces s'intercalent entre des cultures maraichères que l'on expédie régulièrement au Port-Louis.

Ayant noté la fragilité des caféiers, du cotonnier et des arbres à épices, Sir Robert Farquhar avait recommandé aux colons la culture de la canne à sucre. On la planta au Mondrain. Plus tard, membre du parlement, Sir Robert obtiendra en Angleterre la franchise des sucres de Maurice. Par ailleurs, il recommanda à son ami Chazal d'établir une magnanerie pour l'élevage du ver à soie. Des mûriers furent introduits et bientôt leur croissance rapide permit de démarrer l'industrie de la soie Sir Robert lui envoya des forçats déportés de l'Inde. experts en sériciculture... ce fut un succès ! Mais hélas. le diable n'est jamais loin. Il s'incarna pour les colons sous la forme du Major Général Gage Hall qui remplaçait Farquhar. en absence de maladie. Hall s'empressa d'enlever à Chazal les experts indiens qui furent renvoyés à la réfection des routes L'industrie de la soie était tuée dans l'œuf.

Toussaint-Antoine prospérait. En 1823 le Mondrain rapporta 14,364 francs. Or, la soie tenait la seconde place après les légumes. Autres denrées, le domaine produisait aussi de la graine de lin, de l'arrow-root, du bois et des écorces. De nombreux cours d'eau aidaient à l'arrosage... Toussaint-Antoine avait acquis des biens immobiliers à la capitale où il séjournait parfois avec sa famille.

Je n'ai pas trouvé trace des bâtiments de l'habitation, mentionnée en détail dans le cahier des charges du 10 février 1826. Ils se composaient d'une maison principale de 56 pieds de long sur 36 de large, couverte en bardeaux ayant une romaine peinte et tapissée, avec à côté un pavillon de deux pièces à l'usage des visiteurs. Mme Ida Pfieffer, la grande voyageuse, y avait séjourné. Il y avait aussi bien entendu, les bâtiments de magnanerie, des hangars, un four et une roue à manioc, des magasins, des ateliers de menuiserie et de charronnage, une forge, un hôpital, des écuries et un colombier. Un camp de 58 cases en paille abritaient les laboureurs.

Une des cultures qu'entreprit Toussaint-Antoine de Chazal fut celle du pavot blanc dont on tire de l'opium. A cette époque ce produit, dissous dans l'alcool, était utilisé comme sédatif en médecine sous le nom de Laudanum.
Deux documents retrouvés dans ses papiers font foi d'une quittance de 140 piastres pour la vente de dix livres d'opium à Monsieur Delisse, pharmacien.

Cet hibiscus, Wenceslas Bojer l'avait jadis découvert dans les jardins de l'habitation d'Henri Genève et dans les bois alentours à la Rivière Noire, et lui avait donné le nom de son hôte : <i>Hibiscus genevii</i>. C'est probablement ici, dans ces taillis qui nous entourent, que Malcy de Chazal le trouve au hasard d'une promenade dans la propriété de son père et, séduite, le ramène à la maison pour en faire une aquarelle. Elle a dix-sept ans. Elle signe l'œuvre, la date : 16 février 1821 et de sa fine écriture déjà volontaire, elle note le nom commun de la plante : mandrinette. En examinant la photo que j'ai apportée, vous vous apercevrez que la facture en est hésitante. Mais vingt années se passeront avant qu'elle ne reprenne le pinceau pour exécuter les 86 autres aquarelles de la collection de l'Institut de Recherches, temps qu'il lui faudra pour faire épanouir ce talent qu'elle tenait de son père, Toussaint Antoine de Chazal.

Une recherche plus poussée de la région révéla la présence d'un nombre important d'autres espèces de plantes, en fait, révélant un reliquat de la forêt primitive des Plaines Wilhems. Quoique rabougrie de par la pauvreté du sol, cette végétation était riche dans sa diversité. Sir Emile Series, PDG de FUEL et M. Christian d'Unienville, administrateur de Médine, accueillirent favorablement la demande de la Société Royale et facilitèrent l'établissement d'une réserve. Une clôture fut installée et John Lyle, de la firme Tale & Lyle, offrit une somme substantielle pour le démarrage du projet. La réserve du Mondrain fut officiellement inaugurée par le Gouverneur Général, Sir Dayendranath Burrenchobay, le 4 octobre 1979, à l'occasion du 150e anniversaire de la Société Royale. John Lyle était venu d'Angleterre pour la cérémonie. Un inventaire des plantes de la réserve fut publié par Joseph Guého et par moi-même dans la revue commémorative qui marqua l'événement.

1796 : Francois de Chazal de la Genesté s'éteint sans descendance à l'Isle de France dans son domaine de Ripailles. Le nom va-t-il disparaître de la colonie ? Non ! Ses deux jeunes neveux, Charles et Toussaint-Antoine, fils orphelins de Régis de Chazal de Chamarel, jadis recueillis et élevés en France dans la domaine de la Sablonnière par leur oncle Pierre de Chazal, décident de retourner à l'Isle de France. Charles s'installera à Chamarel où, fortune faite, il regagnera la Sablonnière avec sa famille.

Les deux frères avaient acheté le domaine du Mondrain de leur grand'mère Jeanne Jocet de la Porte. Toussaint-Antoine rachète la part de Charles et devient seul propriétaire en 1799. Il sera la souche de la famille à l'lle Maurice. Cette même année il décide de se marier. Le 17 novembre il épouse Laurence-Anne de Rivaltz de St. Antoine, fille d'un colon voisin. C'est une femme accomplie et belle, comme nous le montre son portrait peint par son mari devant un clavecin, instrument dont elle joue à ravir. Toussaint-Antoine, lui, joue du violoncelle mais excelle surtout dans la peinture. Ne dit-on pas qu'enfermé à Paris en 1793, dans une prison de la Terreur, il eut la faveur de s'enfuir grâce au portrait qu'il fit de son geôlier.

Reprenons maintenant l'histoire du Mondrain. Après la mort de Toussaint-Antoine de Chazal, sa femme Laurence Anne va bravement faire face aux réalités. Sa fille ainée Malcy a dix-sept ans et son dernier fils Robert, sept. Elle va racheter les biens de son mari en jetant un peu de lest : la propriété en bois debout achetée jadis aux Chevreau est vendue, ainsi qu'un immeuble à la Rue du Rempart... et Laurence Anne de Chazal se met courageusement à gérer son domaine. En 1827, Edmond, son fils aine, est envoyé en France pour se perfectionner en vue de prendre en main les affaires de la famille. En attendant elle s'occupe à plein temps de la direction des ateliers et des plantations. Un hiver elle écrit à Edmond : « J'ai laissé les enfants à Port-Louis et suis revenue au Mondrain avec Boigne et Mathilde pour faire nos plantations de haricots, d'avoines et de cannes. car tu sais que je peux couver le Mondrain de cannes que nous passerons au moulin Poujet. » Cependant, elle veille a ce que ses filles, pour parfaire leur éducation, participent a la vie mondaine de Port-Louis : bals chez le Gouverneur. théâtre, courses. C'est le temps où le Colonel Draper fait courir son fameux Faughaballah. Elle rapporte le drame à Edmond : « L'ancien cheval de M. Draper est tombé et s'est cassé la cuisse . ce pauvre bonhomme pleurait comme un enfant et demandait des pistolets pour lui brûler la cervelle. »

Fatiguée de la lutte incessante de la vie, Laurence de Chazal accepta d'épouser un ami de la famille, Frederic Moon, en 1830. Cette même année sa fille Malcy, divorcée de Jacques-Gaspard de Chasteigner du Mée, épousera le frère cadet, William Moon, et elle connaitra enfin une vie heureuse. Cette année encore. Robert. le dernier fils, partira s'inscrire à un Lycée de Paris. Furcy, le cadet, après de brillante études au Collège Royal. s'achètera une charge d'avoué. Il fit construire Mesnil-aux-Rose à Vacoas. La maison existe encore.

Mais le Mondrain tient au coeur de Malcy. En 1837, il est annoncé que M. et Mme. William Moon et M. William Werner vont acheter le Mondrain. Ils seront contraints de le revendre peu après. Malcy et William Moon rachèteront encore le Mondrain, associés aux frères Baron, en 1857. On le rebaptise Henrietta, nom du lieu d'origine de la famille Baron près d'Aberdeen.

A la mort de William Moon en 1866. le domaine est définitivement vendu. Une section marquant l'emplacement de l'ancien Mondrain garde encore aujourd'hui le nom de Madame Moon. En 1932 la Compagnie Réunion Ltée acheta Henrietta qui fait maintenant partie du complexe WEAL.

Malcy de Chazal-Moon, comme elle signait ses aquarelles dans la seconde moitié de sa vie, vous a été présentée au début de cette causerie. C'est en vous parlant de son œuvre où l'on devine en filigrane sa personnalité que nous allons achever ce propos. Je vous mentionnerai en même temps James Caldwell, un Irlandais qui faisait partie du Service Civil, et très ami aux Moon.

Guy Rouillard m'a confié la copie d'une lettre datée du 25 mars 1857 où Pierre Edmond de Chazal, fils de Furcy écrit ceci à son cousin Georges Mayer, étudiant en médecine à Londres : « C'est aujourd'hui, mon cher Georges, l'anniversaire de notre bonne tante Malcy, elle compte cinquante trois ans révolus et jouit d'une bonne et forte santé ! Nous arrivons cet après-midi du Vacoas où nous avons été, en famille, la fêter ; elle était heureuse de notre visite. » Peu après Pierre Edmond décrira la soirée au Mondrain : « Le diner a été un festin de Balthazar, les speeches ont roulé, l'abbé Mc Donald lui-même en a fait un. Tantine Chevreau et Caldwell ont été attendris au point de pleurer à chaudes larmes ». C'était juste l'époque d'Alphonse de Lamartine qui avait mis la larme à la mode ; les lettres et les romans de cette période sont remplis de sanglots ! Pierre Edmond ajoutera encore ceci, et je voudrai le souligner : « Caldwell a déclaré qu'il avait trouvé une nouvelle famille. » Malgré la grande différence d'âge qui existait entre eux, Caldwell restera sa vie durant le mentor de Malcy Moon.

Malcy de Chazal fut très encouragée et probablement guidée par Caldwell dans l'oeuvre qu'elle entreprit de reproduire les espèces indigènes. Certains de ses dessins semblent annotés en anglais par une main différente.
Si l'on examine les quatre-vingt-sept aquarelles des plantes indigènes exécutées par Malcy et conservées à l'herbier du Réduit. l'on se rend compte du cheminement de son talent a travers le temps. L'observation devient plus fouillée Le détail des fleurs. des graines. des capsules ovariennes va gagner en précision. Quarante-six années sépareront le premier dessin de l'hibiscus du Mondrain de la période active des années 1867 et 1868 où elle atteint à la maîtrise de son art.

Elle trouvera des spécimens à Curepipe, à la Mare aux Vacoas. et à la Rosalie, mais elle récoltera surtout au Mondrain où la plupart des espèces sont représentées. Je vous ai apporté trois photos de ses dessins qui jalonnent son talent. Le premier représente le célèbre hibiscus du Mondrain peint à l'âge de 17 ans, le second représente une Sapindacée datée de 1867, la grande période active 46 ans, séparent ces dessins. La troisième est la Cytise de l'Inde, plante introduite et médicinale de la collection de John Dobie. John Dobie qui descend du juge John Rouillard. époux de la fille aînée d'Edmond de Chazal, possède une collection de 200 aquarelles de Malcy de Chazal, principalement des plantes médicinales. qu'il conserve dans sa ferme d'Ecosse.

Dans la préface de sa fameuse Flora of Mauritius and the Seychelles paru en 1877, Baker remercie M. Caldwell de lui avoir fait parvenir a collection of beautiful coloured water colour drawings of plants by Madame Moon. to be used in preparing this work. Ces dessins se trouveraient encore à Kew Gardens.

C'est en 1869. à l'âge de 65 ans, que Malcy Moon n'hésite pas à accompagner Caldwell à la Nouvelle Calédonie via Melbourne. Le Gouvernement avait chargé Caldwell d'une mission pour ramener des boutures de cannes de ces pays. Il fallait surtout faire une aquarelle de chaque échantillon pour leur identification. Malcy exécuta sur place de nombreuses images dont 44 furent sélectionnées à Maurice. Elle furent lithographiées par Caldwell et coloriées par Malcy selon les originaux. Ce travail. dont elle fit une copie, se trouve aux archives de la MSIRI. J'en ai photographié trois planches pour vous les faire admirer.

Reférence(s) :
Société de l'Histoire

Commentaires :

Un commentaire a été écrit sur cet article.
commentsPar nancy le 2015-03-29 16:33:00
J'ai eu beaucoup plaisir à parcourir cet article et connaître cette réserve du Mondrain . merci de nous le faire partager.