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Déroulement du Kavadi

Ajouté le Jeudi 22 décembre à 00:00 par David
Revu le Mardi 21 mars à 00:00 par David

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Cet à article est au sujet de : Kavadi

Thématique : Descriptif

Auteur : Ramesh Ramdoyal, traduit par Norbert Benoit

Résumé :
Le Thai Pousam Kavadi est célébré en l'honneur de Mourouga ou Mourougan, fils cadet du dieu Siva et d'Ouma. Cette fête est pour toute la communauté tamoule l'occasion de manifester dans la solennité, la dignité et la ferveur, sa fidélité au dieu Mourouga, et son affection pour cette divinité.

Contenu :
La date de la célébration et l'époque à laquelle elle doit avoir lieu sont fixées en tenant compte du calendrier tamoul, et après consultation du prêtre officiant du temple. Les dix jours précédant la fête sont considérés comme sacrés. On fait flotter un drapeau (kodi), orné d'un coq (séval), au haut d'un mât (kodi maram) se trouvant devant le saint des saints. Les fidèles jeûnent pendant les dix jours qui précèdent la fête. Pendant cette période de jeûne, l'âme est purifiée des passions et de l'orgueil, de la haine et de l'envie. C'est une transformation graduelle dont l'esprit et le cœur sortent purifiés. De même, le non-assouvissement des désirs charnels mène à la libération de l'ego. Les fidèles doivent être purs dans leurs pensées, leurs paroles et leurs actions. Tous les jours ces fidèles font des ablutions mais de façon plus rigoureuse que d'habitude. Toute nourriture cuite hors de chez eux leur est interdite. Le régime végétarien est de rigueur.

Tous les jours, les fidèles se rendent au temple (kovil), portant dans une corbeille propre destinée à cette fin, des offrandes tels une noix de coco, des fruits, du camphre, des baguettes de santal, de l'eau parfumée, de l'eau safranée, de l'huile, de la cendre sacrée (thirounirou), Avant de faire flotter le drapeau,

les fidèles lavent la divinité à l'eau et au lait (abhishegam). On l'habille ensuite, on l'orne de bijoux, d'or et de pierreries le plus souvent. La préparation de la divinité terminée, une fois qu'elle est prête pour l'adoration, les fidèles commencent à prier. D'abord en silence, comme s'ils méditaient, puis à haute voix, en chantant des hymnes glorifiant les attributs de la divinité. Ces hymnes sont ponctués de cris de Arogara ou Arohara (Gloire à Dieu!). Le prêtre et tous les fidèles quittent le temple, et se rendent dans la cour à côté du kodi maram. D'abord on fait flotter le kodi au kodi maram, autour duquel on enroule une corde faite avec une herbe particulière (therpai). Cette corde symbolise l'esclavage (paasam) qui s'accroche à l'âme. Le coq sur le drapeau, c'est le naatham ou le son originel qu'est OM. L'univers entier est rempli de OM, qui est Dieu. Il est dans OM. Est-il besoin de rappeler que c'est le chant du coq qui réveille, surtout dans les villages indiens? Les fidèles vénèrent ensuite le kodi. Ici aussi, des offrandes sont faites et des hymnes chantés. Cette cérémonie du drapeau annonce à tous que la fête sera célébrée au temple dans les jours qui viennent.

Minaatchi Ammen Kovil, le plus important de l'île, le dieu Mourouga et ses deux épouses sont décorés différemment tous les jours. Ces ornements représentent des épisodes mythologiques importants auxquels la divinité est associée. Tout en chantant, on la place dans un palanquin que l'on promène ensuite dans la cour du temple. Après cette cérémonie, on sert des prasaadam. Ce sont des offrandes bénites: pois chiches bouillis ou riz sucré au lait (pongal). Avant, autrement après la cérémonie, quelqu'un qui est très versé dans la religion ou la philosophie prononce un discours.

Pendant les dix jours de jeûne, les fidèles s'assemblent chaque jour au temple pour prier. Les cérémonies et les rituels sont préparés avec la plus grande minutie et des jeunes gens assistent le prêtre. Les fidèles écoutent les prêches, et on les encourage à chanter en les accompagnant avec des instruments traditionnels de musique tels l'harmonium, le tabla (percussion), les taalam (cymbales).

La nuit précédant la fête même du Kavadi, les fidèles préparent leurs kavadi. Ce mot kavadi dérive de deux mots tamouls: kaavou «porter» et thadi: «unmorceau de bois poli». Pour monter le kavadi, il faut deux planches, sculptées au préalable, faisant six à huit pouces. Ces planches sont liées dans le sens de la hauteur à chaque extrémité d'un morceau de bois. Avec des bouts de bambou, on forme comme des arceaux entre les planches, et, à travers ces arcs, on lie de petits morceaux de bois. Des feuilles vertes, la plupart reconnues pour leurs vertus médicinales, servent à garnir les places laissées vides entre les morceaux de bois. Sur les arceaux, à intervalles, sont fixées des tranches d'écorces de bananier qui retiendront des feuilles tendres de cocotier, préalablement travaillées en forme de V. Des fleurs de toutes les couleurs complètent la décoration. Les kavadi sont de toutes les tailles et de toutes les formes, au gré de l'imagination et l'habileté des fidèles. Certains ont la forme d'un paon, d'autres d'un temple, mais le kavadi le plus commun est celui dont l'arceau a la forme d'un fer de lance (vel), avec la pointe au milieu, en haut.

A l'aube du dixième jour de jeûne, les pénitents s'assemblent au temple, avant de se rendre en procession à la rivière pour les rites de purification. Après des ablutions dans la rivière, ils se ceignent les reins d'un tissu jaune safran ou pourpre, qu'ils portent suivant la tradition. Les hommes gardent le torse nu. On leur enduit de cendre sacrée (thirounirou) le front, les épaules, la jointure des bras, les poignets, le torse et la poitrine.

On dispose des offrandes, dont des aiguillettes d'argent, sur une feuille de plantain devant le kavadi. Une brève cérémonie a lieu, au cours de laquelle on allume du camphre et on brûle de l'encens pour invoquer la bénédiction de Mourouga. Le prêtre et ses aides passent de kavadi à kavadi, versant, d'un bidon, du lait de vache dans deux petits pots en cuivre (sombous). Ces pots sont immédiatement recouverts d'une feuille de plantain et d'un morceau de tissu, avant d'être attachés à chaque extrémité du kavadi.

Pour sentir toute l'intensité de la présence de Dieu, les pénitents méditent et ne cessent de répéter le nom de Mourouga. L'air vibre de cris d'Arogara: ils s'élèvent de partout, telles des incantations. Dans un esprit suprême de dévotion et d'abnégation, les pénitents se font percer le corps de vels. Ces vels forment des arcs symétriques sur la peau du pénitent et esquissent des motifs sur sa poitrine, son dos, son torse, ses bras et ses cuisses. Dans certains cas, selon le vœu même du pénitent, ses joues sont transpercées de part en part d'un vel plus long, sa langue, d'un autre vel, le tout formant ainsi une sorte de «verrou» pour la bouche (vaai pouttou), réduisant au silence le fidèle qui ne peut plus communiquer que par gestes.

Certains porteurs de kavadi ont leur corps tout hérissé d'aiguilles présentant tout un raffinement de motifs que lient entre eux des chaînes. Pour d'autres, ce sont des hameçons auxquels pendent des citrons. Certains autres tirent un petit char (ther), au moyen de chaînes retenues à des crochets transperçant leurs flancs. Enfin, il y a ceux dont c'est le front qui est transpercé. Pour les femmes, ce sont soit les joues, soit la langue. Elles portent sur la tête un énorme pot en cuivre, rempli de lait (paal koudam). Les fidèles qui ne se font point transpercer le corps portent un morceau de tissu imprégné de safran autour de la bouche. Chaque porteuse de paal koudam tient dans une main un jonc symbolisant la masse de guerre de Mourouga (thandam). Les aiguilles, quelle que soit leur taille, sont très pointues. A l'autre extrémité, elles ont la forme d'une lance. Elles représentent le vel (lance) dont Mourouga ne se sépare jamais. Le kavadi en forme de vel est de même en l'honneur de Mourouga, le valeureux.

Entre-temps, on continue à réciter des prières, des personnes ou groupes de jeunes passant parmi les pénitents, lisant des extraits des livres sacrés. Aux oreilles du fidèle résonnent des cris de Mourouga! Arogara! Vel, Vel! Quand le pénitent est prêt dans son corps comme dans son âme, il sort la langue pour qu'elle soit transpercée d'une aiguille. Cette action du pénitent est communément appelée «la demande».

Certains «demandent. l'aiguille sans tarder. D'autres prennent plus longtemps, l'état propice n'étant atteint que grâce aux mélopées. Nulle contrainte n'est exercée. Certains pénitents tombent en extase, entrent en transe, le corps pris de tremblements. Alors le prêtre, s'il est tout près, ou une personne âgée, lui applique au front de la cendre sacrée avec son pouce, et lui en asperge la tète. Le pénitent retrouve tout de suite le calme.
Cette partie de la cérémonie terminée. au signal du prêtre la procession s'ébranle. Les fidèles portent le kavadi sur le dos. comme un joug. D'aucuns préfèrent marcher jusqu'au temple, chaussant des sandales de bois hérissées de clous. Le kovil kavadi, c'est-à-dire le kavadi du temple, est toujours en tête. C'est ce kavadi qui entre en premier au kovil. Le précédant, à quelques pas seulement, un pénitent porte une ou deux masses. Il symbolise Idumban, le fidèle de la mythologie. Dans certaines régions, on porte l'énorme et long vel de Mourouga.

La procession (ourvalom) avec, en tète, le chariot portant la statue du dieu Mourouga, s'avance lentement vers le temple. Il est suivi de groupes de jeunes gens et de jeunes filles, souvent tout de jaune et de vert vêtus. Ils portent des guirlandes de fleurs jaune d'or, jouant au koummi et au kolaatam. Pour le koummi, les partenaires se frappent les paumes de leurs mains, à intervalles réguliers. Deux bouts de bois remplacent les paumes pour le kolaatam. Il existe des chants rythmiques spéciaux pour ces jeux. Ces groupes précèdent la procession ou la suivent. Ces jeux ajoutent de la gaieté à ce qui, autrement, ne serait qu'une procession austère.

Des gens ne participant pas à la procession attendent sur le trajet pour faire des offrandes (archounai), et recevoir des bénédictions. Souvent aussi, des gens ouvrent les robinets. laissant couler l'eau jusqu'à la route où passe la procession. De nombreux autres versent des seaux d'eau safranée sur le corps et les pieds des porteurs de kami. On offre aussi de l'eau sucrée, au limon, (paanakam) ou du lait au beurre (mon) à ceux qui suivent la procession. Ces petites marques de piété sont fort appréciées, car elles assurent à ceux qui s'y adonnent, les bénédictions et le pardon de Mourouga. Le porteur de kavadi, pour sa part, est considéré une «âme pure«, digne de vénération. Aussi est-ce avec vénération qu'on lui touche les pieds.

Aucun étranger n'est autorisé à suivre la procession, où tous les participants marchent pieds nus. On ne fume pas, on ne mange rien tout au long de la procession. On ne cesse de lire des prières. Des haut-parleurs juchés sur des voitures diffusent des cantiques. De temps en temps, si tel est le vœu du pénitent, un proche parent porte son kavadi, lui assurant ainsi quelque répit.

Dans chaque région où se célèbre la fête, il peut y avoir quarante à cent kavadi. Dans des régions plus grandes, comme Port-Louis, le chiffre peut atteindre six cents à huit cents. La procession est longue, et lente est sa marche, surtout en janvier et février, où la chaleur de l'été est accablante. C'est pourquoi on asperge d'eau la route où passe la procession. Les municipalités, les conseils de districts ou encore les propriétés sucrières prêtent leur concours en procurant des citernes.

Lorsque les kavadl pénètrent dans l'enceinte du temple, ils font trois fois le tour de la cour (piragaaram). On en profite pour poser des bébés sur le sol afin que les porteurs de kavadl les enjambent. Hommes et femmes de tous âges se prosternent autre forme de sacrifice ou d'offrande. C'est l'ego qui est ainsi offert, qui est anéanti, que l'on fait disparaître Dieu est suprême. C'est à genoux que certains porteurs accomplissent les trois tours.

Une fois à l'Intérieur, le porteur dépose son kavadi, et les aiguilles lui sont enlevées. On lui répand de la cendre sacrée sur la tète, alors que de partout on acclame Arogara! Pas une goutte de sang ne coule, le fidèle ne ressent aucune douleur. Il porte les deux sombous de lait au prêtre dans le saint des saints. Le lait est pur, frais. Ce qui étonne, compte tenu de la chaleur et du dur périple accompli.

Le prêtre verse le lait des sombous sur la divinité, de la tête aux pieds. Un peu de ce lait est recueilli dans les sombous et remis au fidèle. Ce lait est bu et partagé par tous dans la plus grande vénération. De temps en temps, la divinité est lavée d'eau, que des gens s'empressent de boire au creux de leurs mains. La joie rayonne sur les visages. C'est la fin d'un grand sacrifice, et Mourouga a accordé sa grâce aux uns et aux autres.

Dans la cour extérieure du temple, sous des marquises, on sert des mets végétariens à tous. sans tenir compte de leur religion ni de leur groupe ethnique, Cette distribution de nourriture, c'est l'anna dhanom. Vers quatre heures a lieu une grande cérémonie, la maha ooraadamai, pour implorer Mourouga de répandre ses bénédictions sur tout le monde, y compris le peuple de l'ile.

Après cette cérémonie, les kavadl prennent le chemin du retour. Cette fois, parents et amis sont autorisés à les porter. Les porteurs choisissent leurs partenaires pour la danse du kavadi (kavadi aatham). Et les kavadi de commencer à serpenter, a se balancer, d'esquisser comme des plongeons, de s'agiter de haut en bas, à pirouetter ou son des tambours, sous un soleil de feu. C'est une danse exprimant la joie et la libération. En triomphant de leurs craintes et de leurs désirs, les penitents ont mérité la grâce de Dieu. Du joug qu'il était, le kavadi s'est transformé en couronne.

Le lendemain, les fidèles se retrouvent au temple pour participer ensemble à une brève cérémonie, au cours de laquelle on ramène le drapeau (kodi irakkam). Ainsi se termine le kavadi, fête que l'on prépare avec minutie, et, à plus d'un titre, très austère,

Reférence(s) :
Ramdoyal, Ramesh, traduit par Norbert Benoit: L'Ile Maurice 1a travers ses fêtes, Éditions de l'Océan Indien, 1993

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