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LES TOURS MARTELLO A L'ILE MAURICE

Ajouté le Mercredi 02 mars à 00:00 par David
Revu le Jeudi 28 avril à 00:00 par David

Cet à article est au sujet de : La Tour Martello à La Preneuse

Thématique :

Auteur : M. Koenig et Philippe la Hausse de Lalouvière

Résumé :
Causerie faite à la SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE L'ILE MAURICE :
LES TOURS MARTELLO A L'ILE MAURICE
Monique KOENIG 24 mai 2008

Contenu :
Les Anglais s'étaient rendus maîtres de l'île Maurice en 1810 et la population des colons français se méfiaient du mouvement d'abolition de l'esclavage qu'ils préconisaient, l'économie et les investissements de la colonie dépendaient largement sur le système de l'esclavage.

En 1830, à l'époque où Sir Charles Colville était gouverneur de Maurice la population de l'île s'élevait à 88,000 personnes : 8000 blancs, 15,000 métis et 65,000 esclaves. Les régiments anglais comprenaient en tout 1400 hommes. On comprend donc aisément la crainte des anglais pour leurs sujets en matière de sécurité exprimée par les gouverneurs successifs.

Le climat d'insurrection était latent et les tensions entre les habitants et ceux qu'ils considéraient comme des troupes d'occupations, poussèrent en 1825 les colonels Brough et Buchanan à revoir tout le système de défenses côtières et surtout le consolider. Ils proposèrent donc des points stratégiques dont on devait absolument renforcer les défenses entre autres : Rivière Noire, Grande Rivière Nord Ouest et Port Louis. Ils proposaient également la construction d'une citadelle qui servirait de point fort et de rallye en cas d'insurrection de la population.

Dès 1831, Lord Horwick alarma le gouvernement britannique dans un mémorandum où il démontrait que l'île n'avait pas de défenses adéquates et que les batteries érigées du temps des français tombaient en ruine ! Les autorités ne pensaient en aucun cas à un soulèvement des esclaves qui avaient tout à gagner dans une politique abolitionniste, leur principale crainte était de voir l'île envahie par des renforts français venus de file Bourbon pour soutenir une insurrection des propriétaires d'esclaves et on savait que des bâtiments de guerre français avaient reçu l'ordre de faire marche vers l'océan indien.

Pourquoi le choix de ce type de défense- des tours' ? Il faut remonter à 1794, pendant les guerres de la révolution française, les corses qui étaient déjà en dissidence d'avec la France, firent appel aux Britanniques pour les libérer de la domination française. Les côtes corses tout comme celles de Sardaigne et d'Italie étaient en général défendues par des tours en pierre, hautes d'environ 10 mètres, munies de canons et abritant une poignée d'hommes.

Une bataille à Cap Mortella dans le nord de l'île prouva le bien fondé de la formidable résistance des tours de Gènes. En effet il fallut deux jours de bombardement intensif par les anglais et de lourdes pertes pour qu'ils viennent à bout de cette forteresse défendue par seulement 38 hommes et deux canons.
Il n'est donc pas étonnant que ce type de défenses ait séduit les stratèges de guerre et qu'ils l'aient adopté comme modèle à travers tout l'empire britannique. Chacun sait que les anglais ont des difficultés à prononcer certains mots et le nom de Tour Mortella se transforma rapidement en Tour Martello En 1803 les côtes sud et sud-est de l'Angleterre se dotèrent de d'une centaine de Tour Martello afin de prévenir toute attaque éventuelle des troupes de Napoléon ler. Ce qui fut sans conteste d'une grande efficacité puisque l'empereur des français ne se risqua pas à envahir la Grande Bretagne.

Par la suite ce type de forteresse fut choisi par les autres pays de l'empire britannique tels que : Afrique du Sud, Australie, Bermudes, Canada, Maurice, Minorque, Ceylan (Sri Lanka), de même qu'aux Etats Unis, Jersey, Guernesey et en Irlande. On compte environ 120 tours bâties dans les pays précités.
A Maurice, on planifia la construction de huit tours Martello mais en fin de compte on opta pour cinq tours une à Fort Georges, Port Louis, deux à Grande Rivière Nord Ouest et deux à Rivière Noire, aux deux pointes de la Baie — La Preneuse et L'Harmonie. Plus tard, la capitale se dota d'une citadelle sur la colline dominant Port Louis.

Les tours et le fort furent bâtis d'après les plans du Lieutenant Colonel Thomas Cunningham et commencés dès 1831, le Colonel Fyers prit en charge ces constructions, tous deux officiers du génie royal britannique. Les premiers Sapeurs et Mineurs débarquèrent à Caudan en 1832 avec pour mission de construire ces forteresses de défense côtières. On dut leur adjoindre des hommes de l'armée régulière et des travailleurs recrutés localement, des tailleurs de pierre et des charpentiers. On fit venir également des artisans et des prisonniers de l'Inde.

En ce qui concerne les tours construites à Rivière Noire, les registres de l'époque, en 1832, montrent que l'équipe des travailleurs se composait de : 5 soldats, 22 Africains invalides, 25 esclaves du Gouvernement 20 apprentis du Gouvernement 70 laboureurs prisonniers indiens Tous étaient sous les ordres du Colonel Fyers qui déplaçait les hommes au gré des besoins entre Port Louis, Grande Rivière et Rivière Noire. Fyers était intransigeant avec la discipline et exigeait que les esclaves soient bien traités, n'hésitant pas à sanctionner le moindre manquement.

Malgré les dures conditions de travail à cause de la chaleur, des cyclones et les défis que représentaient la taille des roches volcaniques et leur mise en place, la tour de la Preneuse fut construite en 9 mois.

On interdisait aux soldats britanniques de travailler entre 9 heures du matin et 3 heures de l'après midi, sauf si des nuages cachaient le soleil. On comprend la pénibilité du travail mais on s'étonne comment des âmes aussi délicates on pu conquérir tant de pays !

Les matériaux entrant dans la construction des tours étaient les suivants : pierres taillées et brutes, chaux, bois de teck, briques, sable, plomb, cuivre, ciment et peinture. On trouva les pierres chez Monsieur Augustin Genève et Monsieur Fortier fournit la chaux.

Augustin Genève a laissé son nom à l'église Saint Augustin qui fut construite sur ses terres et François Fortier a laissé son patronyme à l'îlot avoisinant.

Le budget estimé par le Colonel Cunningham en 1828 de £ 3,000 pour la construction de la tour fut dépassé par le Colonel Fyers puisque la tour de La Preneuse coûta £ 3,800. Ce dépassement était la conséquence des augmentations du prix des matériaux et de la main d’œuvre, ce qui n'étonnera personne car les constructeurs ont, de tout temps, dépassé les budgets ! N'oublions pas que l'imminence de l'abolition de l'esclavage, rendait la main d’œuvre de plus en plus chère.

On ne sait pas combien pourrait coûter une telle construction de nos jours mais je doute fort qu'on puisse trouver des tailleurs de la qualité de ceux qui ont travaillé pour ces constructions.

Cette tour Martello est un chef d’œuvre d'ingéniosité :
• hauteur de 39 pieds
• diamètre 43 pieds à l'extérieur et 28 pieds à l'intérieur les murs de 6 pieds côté terre et 11 pieds côté mer

La fonction principale de ces tours était de défendre l'accès de la baie à tout navire ennemi. Pour se faire, il fallait disposer d'un canon très puissant et précis en surplomb sur la mer. Le «toit» de la tour remplit ce rôle, avec une plate-forme circulaire pour monter l'artillerie mobile. Le premier étage fournit l'espace pour des hommes, leurs lits et cuisine. Le rez-de-chaussée en dessous sert à garder les vivres et la poudre pour les canons. Finalement, le sous-sol avec le réservoir d'eau et les magasins, complètent cette architecture de quatre niveaux. Le plus remarquable dans l'architecture de la tour est que l'édifice entier est soutenu par un pilier central, et que le plafond en voûte du premier étage a nécessité 60,000 briques importées de l'Angleterre.

Autres astuces admirables : Les escaliers en pierre sont incurvés vers la gauche pour permettre au soldats du toit de tirer sur des ennemis qui auraient réussi à pénétrer dans la tour. La fumée de la cheminée dont le conduit est sur le toit un système de récupération de pluie permet l'alimentation du réservoir du sous bassement d'une capacité de 4,250 gallons (environ 22,000 litres soit une vingtaine de réservoirs domestiques)

Deux canons desservent le toit : un long canon de 24 livres (poids du boulet) portant l'emblème du roi Georges III un petit, mais puissant Howitzer. Les deux canons étaient montés sur le même pivot ce qui est une originalité pour l'époque et que Cunningham sur une idée du Général Twiss a voulu expérimenter à Maurice. Cela aurait permis de faire des tirs courts et des longs, éliminant du même coup les bâtiments dans les baies et les troupes ennemies à terre qui auraient débarqué.

Ces canons disposés sur les tours de chaque côté de la baie pouvaient effectuer des tirs croisés pour empêcher tout entrée ennemie. Il fallait sept hommes entraînés pour effectuer des tirs toutes les minutes : ils devaient charger, armer et tirer le canon avec les instruments que vous pourrez voir dans le musée tels que seau à eau, éponge, écouvillon, cartouche de poudre et boulets...

La porte du rez-de-chaussée n'existait pas et on accédait à la tour par une porte au premier étage et une échelle rétractable en fer, une échelle de corde permettait de passer du rez-de-chaussée au premier étage par une trappe. Les stocks de nourriture et d'eau étaient suffisants pour tenir un siège. Les soldats cantonnaient en temps normal à l'extérieur de la tour où se trouvait une cuisine et une baraque en bois pour les hommes. Privilège du grade oblige, l'officier avait sa chambre dans la tour. Toutefois en conditions cycloniques ou si la tour était attaquée, les hommes se tenaient à l'intérieur. La poudrière gardait la poudre pour quatre canons derrière la forte batterie sur la plage et un four pour les boulets complétaient l'ensemble des installations près de la tour.

Dans la première moitié du vingtième siècle, les voisins Maurel, Staub et Coaucaud ont percé une entrée pour des raisons de facilité et de sécurité d'accès et ont fait descendre les canons du toit. La famille de Léopold Staub qui avait préservé le grand canon en le conservant dans son jardin l'a obligeamment rendu à la tour et il préside en haut, et la porte en bas rend un accès plus facile.

Pour la petite histoire, le grand canon de la tour Martello de l'Harmonie qui avait disparu l'année dernière, volé pour son pois de fer fondu, a été récupère par le CID et les voleurs arrêtés, après que Philippe [la Hausse de Lalouvière] et moi-même les ayons suivit à la trace. Encore un canon volant qui a maintenant retrouvé son nid ! Il y a beaucoup d'anecdotes en vérité à propos de canons qui disparaissent et réapparaissent et il y aurait de quoi noircir les pages d'un roman policier !

Plusieurs régiments d'infanterie ont été cantonnés dans les tours, mais les tours Martello de Maurice n'ont pas eu à remplir leur office de défense côtière.

Avec le développement de Port Louis au XXème siècle deux des tours de cette ville furent détruites – celles de Fort Georges et de Fort Victoria. La tour de Pointe aux Sables a servi pendant de nombreuses années d'entrepôt pour les munitions et explosifs de la SMF.

Les tours de Rivière Noire au fil du temps, dépouillées de leurs poutres en bois et de leur système de récupération d'eau, de plus mal entretenues, tombèrent en décrépitude et ne resta que les murs extérieurs.

En 1992, l'association Friends of the Environnement sous l'égide de Philippe la Hausse de Lalouvière et de moi-même, commença la restauration de la tour de La Preneuse.

Nous partions d'une coquille vide, nous n'avions pas un sou mais beaucoup d'énergie, de courage, d'obstination voire de combativité parce que nous savions que le projet était réalisable malgré le peu d'espoir que nos premiers contacts nous avons laissé entrevoir.

Nous avons bénéficié cependant de l'aide financière de quelques ambassades étrangères : Etats Unis, France, Grande Bretagne, Inde, Pays Bas et Union Européenne. Des firmes privées, telles que : General Construction, Hardy Henry et Gexim donnèrent leurs appuis techniques.

Le groupe « Raleigh International nous prêta une quinzaine de bénévoles qui ont aidés aux recherches archéologiques entreprises aux environs des tours à Rivière Noire et de nombreuses pièces et éléments importants du patrimoine ont pu être mis à jour, nettoyés, photographiés et répertoriés.

Le Conseil de District de Rivière Noire nous a fait cadeau des installations électriques. Les membres de l'association et de nombreux amis aidèrent à la réalisation du musée qui ouvrit ses portes le 10 août 2000. Si la tour avait été construite en neuf mois, il nous a fallu presque neuf ans pour la réhabiliter et la transformer en musée !

La gestion du Musée a été confiée à FOE sous le contrôle du National Heritage Trust. Depuis huit ans, nous essayons tant bien que mal de maintenir le standard du musée afin que cet exemple de développement intégré du patrimoine historique aille dans le sens des orientations du pays : harmoniser le développement du tourisme avec les loisirs, l'éducation, le petit commerce et l'artisanat local.

Pour nous c'est vraiment un excellent exemple de ce que nous pouvons accomplir avec une bonne entente entre la société civile et le gouvernement. Pendant plusieurs années ce musée fut le seul à Maurice à couvrir ses frais d'opération par ses propres moyens. Et, même si les temps sont plus difficiles, les portes sont toujours ouvertes une fois par mois gratuitement, pour que tout citoyen puisse apprécier son patrimoine, car c'est un monument national.

Commentaires :

Un commentaire a été écrit sur cet article.
commentsPar JEF le 2016-05-11 16:14:43
bonjour je suis allé à la tour martello de l harmonie cet apres midi y as t il un programme de réhabilitation et de protection de cette tour magnifique dans un endroit superbe cordialement DR LEFORT